Bonjour, je m’appelle Fanny, j’ai cinquante cinq ans, je suis kinésiologue, un métier inconnu, un peu mystique. Un métier qui libère les âmes en identifiant les points de défaillance et en les traitant par une approche créative de la sensorialité.
J’ai été très belle, je le suis encore.
Je mets un parfum d’homme et j’aime le sentir dans mes paumes plusieurs fois dans la journée. J’aime le regard des gens qui se posent des questions sur la raison de cette odeur dans l’air, une odeur sauvage, presque bestiale.
Je surprends certains patients fouiller mentalement ma petite salle de cabinet en cherchant les indices d’une indélicatesse ou d’une impertinence. Et cela me fait rire. Je m’amuse de ce que la société me colle comme étiquette.
Je suis célibataire, tatouée, indépendante, âge assumé avec fierté par mes cheveux non coloriés et un métier paramédical que même les habitués ont du mal à appréhender.
Alors, irrémédiablement, la société m’imagine très ouverte sexuellement, végétalienne et perchée. Ils m’imaginent en méditation authentique au réveil et dans un jardin japonais marchant pieds nu sur l’herbe grasse, embrassant des arbres en récitant des vers. Ou roulant à vitesse folle sur ma Harley avec mes amis à la nuit tombée.
Ils ne peuvent imaginer ma passion pour la viande argentine, le bon vin d’Espagne, les soirées cocooning et les enfants. Ma seconde peau, mes tatouages, sont pour eux incompatibles avec la maternité.
Et pourtant. Je les aime tellement mes enfants.
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